• l'art des boss métal

        L'art des boss métal    
       Moins connu que la peinture naïve haïtienne, l’art du fer découpé procède de la même origine, l’art de la récupération,
    C’est ainsi que les toiles récupérées des sacs de farine ont servi de supports à la peinture naïve haïtienne et que les sacs de ciment vides, par la technique du papier mâché, se sont transformés en masques de carnaval aux couleurs chatoyantes et en véritables sculptures figuratives des héros de la nation haïtienne.
               C’est dans les environs de Port au Prince, le long d’une ancienne voie de chemin de fer, à la Croix des Bouquets que des vieux bidons de fuel en fin de carrière sont devenus dentelles de métal, sculptures où s’exprime toute la créativité des artistes haïtiens .
      Après avoir déniché le « dwoum » bidon en fer, le boss découpe au burin le couvercle et le fond, puis fend le bidon dans toute sa longueur. Le bidon est ensuite passé au feu pour éliminer les résidus et restes de peinture, le métal devient plus malléable. On peut ainsi l’aplatir pour en faire une plaque de 180 par 86 cm. Commence alors le martelage sur l’enclume (un morceau de rail de chemin de fer récupéré) la plaque est alors assouplie pour un découpage plus aisé. Lorsque la surface est bien nettoyée et bien aplanie, le traçage peut alors commencer.
     
      C’est là que le boss métal fait appel à son imagination.
       Le panthéon du vaudou, riche de centaines de « loas » (esprits) et autres créatures mythiques est une source d’inspiration inépuisable. Sirènes, vampires, poissons ou oiseaux serpents, créatures diaboliques ou angéliques se croisent dans le foisonnement des arbres magiques chargés de fruits, d’oiseaux, rêves d’exubérances et de liberté.
        Mais les boss métal puisent aussi leur inspiration dans leur culture religieuse chrétienne. Ils ont gardé le souvenir des récits bibliques appris au catéchisme ou à l’école du dimanche. Souvenir du merveilleux jardin de la création, de l’arche de Noé, de l’arbre de Jessé ou de la Nativité.
       La vie de tous les jours est aussi mise en scène, dessins naïfs pleins de poésie et de tendresse, scènes tragiques ou joyeuses à l’image du quotidien des haïtiens.
            Le boss ou l’un de ses apprentis découpe alors au burin le dessin tracé à la craie. Ajourée, la plaque devient sculpture qu’il faut remodeler, ciseler encore plus finement pour lui donner du relief et de l’expression. On habille les formes par le repoussage avec un simple clou ou par le gravage avec un burin encore plus fin pour, par exemple, évoquer des écailles de poisson.
         Plusieurs jours sont nécessaires à l’exécution d’une pièce. C’est un travail de finesse et surtout de patience, le polissage se fait au papier de verre, l’œuvre est signée, puis passée au noir de fumée avant le vernissage et le séchage. Puis vient le verdict du voisinage ; émotions, approbations, interrogations, difficile de rester insensible au travail de l’artiste
            Et c’est ainsi qu’un vieux bidon renaît en sculpture finement ciselée, en reposoir de l’imaginaire, en littérature des boss du métal récupéré, en dentelle d’artistes remplis de créativité.